Partie 1 : La magie et les magiciens
Rien ne se manifeste, rien ne se développe sans la similitude et la différence. Rien ne peut être défini sans l'unité, la dualité et la relativité qui découle de la manifestation. Rien, pas même l'absence donc, à laquelle aucun "présent" ne serait offert. Si partie il y a, si quelque chose se passe, toute entité ou phénomène pouvant être réduit à l'état d'unité de référence nous ramène aux principes de la dualité et de la relativité, l'unité au point zéro pouvant être appréhendée comme le rapport systémique du point à l'ensemble. Un ensemble où s'opposent et s'associent les forces qui témoignent de l'activité du vide et des particules "brillantes" composant la matière : citons les forces de l'absence et de la présence pour rendre hommage à la poésie calorimétrique de la vie, ou les forces de l'ordre et du chaos qui caractérisent les états du dehors et du dedans, pour faire un clin d’œil au principe d'immanence. Citons les forces du mouvement et de l'équilibre, les forces de contraction et d'expansion, les forces de l'oxydation et de la réduction, les forces de création et de destruction...
"Rien" par exemple, ne ferait pas sens sans un "milieu", disons un état intermédiaire, qui le distingue de tout. "Tout" et "rien" étant à la fois semblables et différents : semblables par leur infinitude, par leur nature extrême, inatteignable, par leurs valeurs respectives et relatives, nullement séparables et par là même, impossiblement absolues - différents par leurs caractères, disons leurs signatures respectives indiquant (signifiant) ce vers quoi ils tendent. Un couple uni par la grâce de l'immanence et que nulle dualité ne sépare ! Un couple qui dans le silence, l'harmonie ou la cacophonie, témoigne des oppositions et des affinités qui font l'unité dialectique : un couple ex materia dit-on, thermodynamique, électrique, par lequel s'expriment forces d'attraction et de répulsion. Un potentiel donc, auquel nous devons notre "milieu" relatif - ce qui est dedans, ce qui est dehors. En d'autres termes l'uni/vers, le siège de la vie, le "repère" de l'observateur, le domaine du relativement fini, relativement uni, relativement vide, relativement plein. Ici l'observateur humain est l'unité, le point de vue réfléchissant, qui appréhende la part de ce qui tend vers l'infiniment vide et celle qui tend vers l'infiniment plein, au delà de notre complexe de grandeur.
Allant de soi, disons manifeste de par sa propre nature, le principe de trois nous offre le plus, le moins et le neutre, la possibilité du proton, du neutron et de l'électron, le passé, le présent et le futur, le haut, le bas et le planché des vaches... Ou encore la longueur, la largeur et la hauteur. A l'échelle de l'univers, ce fondement de la logique permet à la vie de se développer entre ce qui tend vers le plein (un trou noir par exemple, dont la lumière elle même ne peut ressortir) et ce qui tend vers le vide (idéal pour un voyage sans la moindre perturbation). C'est ici, c'est-à-dire nulle part en particulier, que se manifeste "l'architexture" du langage et la possibilité d'extension d'une "île"... Une île de 3 par laquelle s'exprimeront les nombres, les formes et les forces. C'est aussi ici que la relativité prend son sens, entre deux semblables et un différent faisant toute la saveur du monde et la nature nucléaire de notre demeure atomique.
Le langage se produit entre et en toute chose, témoignant de l'ordre et du chaos caractéristique du jeu des ensembles. Il est dans la nature de la cause, dans la nature de la conséquence et dans la nature des processus qui les relient ou les libèrent l'une de l'autre. Révélateur du principe d'immanence, le langage est le messager des relations entre l’extérieur et l'intérieur.
Notons que pour le cerveau humain, disons son esprit, l'intérieur est appréhendé comme le micro (ce qui compose le corps, la cité, l'état...) et l'extérieur comme le macro (le monde autour, l'univers que l'on appréhende). Rien d'extraordinaire ici mise à part le vertigineux complexe de dialectique, de politique et de gestion du milieu que cela engendre chez cet animal orgueilleux qui s'imagine dresseur de l'atome, maître de la carte et du territoire et conquérant des étoiles. Ce pauvre diable orgueilleux dupé par ses propres pouvoirs, souffrant de l'obsession du contrôle et possédé par ses propres possessions. Disons aliéné par ses propres "droits" de propriété sur ce qu'il ne peut atteindre.
Le langage se passe de toutes nos prétentions politique et de tous nos intérêts particuliers, lorsqu'il rend compte des entités sociales, des systèmes d'exploitation et de la puissance irrationnelle du nombre que Sapiens imagine encore à son service . Le langage témoigne de tout et de rien, des phénomènes épigénétiques au du morphisme emprunté par la vie, en passant par l'architecture vivante des phénomènes sociaux ou par la mécanique des systèmes concernant le vivant ou l'inerte...
Doté d'un centre et d'un réseau mémoriel complexes et d'une grande facultés analytiques, Sapiens distingue et défriche le sensible, le perceptible et l'intelligible, jusqu'à pénétrer le domaine de l'abstraction dans lequel il puise la substance de son art et le pouvoir des mathématiques. Mathématiques qui remettront en question la plupart des diktats politico-religieux véhiculés sur ce "Saint-Esprit" (le langage) reliant le principe créateur (le Père, le Grand architecte, le Grand Horloger, la partie...) et la création (les jardins, le vivant et sa conscience, le fils donc, observateur et acteur au sein de ce qui est dans la partie et soumis à ses règles...) Avec ces outils, l'Homme apprend à maîtriser les sciences avec lesquels il peut expliquer, de façon cohérente et véhiculaire, le monde qui l'entoure et le constitue.
Autant dire que la magie du langage donne des ailes à un oiseau ou des nageoires à un poisson. Quant à l'Homme, créature désormais dépourvue de carapace, de griffes ou de crocs mais capable d'appréhender cette magie de façon consciente, intelligible et expérimentale, elle offre la possibilité de fabriquer tout type d'arme, d'armure, d'engins aériens ou nautiques.
Un mage n'est il pas un de ces énergumènes qui grave des signes et récite des formules pour influencer les éléments, modifier la réalité perçue, soulever des montagnes, faire jaillir le feu et la foudre de divers artefacts, animer et contrôler des entités composés de matière inerte, soigner les corps et les esprits, anticiper l'avenir possible et conseiller la gouvernance (...) ? De la science donc, appréhendée par un esprit rationnel doué d'empathie, un cœur vaillant de préférence, et une maîtrise peu commune du langage. Rien de bien sorcier au fond...
Questionnés et retranscrits par la "main de notre cerveau", les valeurs arithmétiques, géométriques (nombres figurés) et sémantiques des chiffres (base 10 incluant pairs, impairs et premiers, ainsi que le premier impair non premier 9) témoignent de principes et de propriétés qui entrent en cohérence avec l'architecture, le comportement et la nature des éléments et des ensembles composant l'univers qui nous entoure et nous constitue. Observée par l'alchimiste du logos, la source mathématique du langage soulève de nombreuses questions politiquement et religieusement encombrantes pour l'orgueil humain, à commencer par l'ironie du pouvoir, du savoir et du devoir tels que nous les concevons encore. Ex nihilo et ex materia ont ils un sens séparés l'un de l'autre ? Quel sens donner à l'unité, fusse-t-elle physique ou morale ? Quel est la part du vide, du néant, des ténèbres ou de la lumière.... Dans notre incomplétude, doit-on guider ou soumettre, apprivoiser ou dompter ? Dans un monde déterminé dont la causalité et la loi du chaos nous échappe, quelle autorité peut elle prétendre à garantir la responsabilité de nos actes ? Est-il sage d'instrumentaliser le peu que l'on connaît des lois de l'univers et du langage (...) pour définir un dieu 0 à notre image et forger un unique anneau de pouvoir ? Remarquons que trois éléments interactifs, dont deux semblables et un différent, suffisent à nous renseigner sur les bases de la relativité, cette relativité qui concerne tout y compris notre jugement et notre capacité à engendrer des armes nucléaires pour asseoir notre autorité ! Une guerre de 3 qui condamne notre esprit rusé à errer dans l'Olympe de puissances dont nous avons déclenché la fureur. Toutes ces notions sensibles, perceptibles, abstraites et intelligibles, nous ont amenés à l'instrumentalisation des anneaux mathématiques pour le meilleur et pour le pire. Disons l'instrumentalisation des interactions entre les ensembles et les sous-ensembles et par par conséquent, le pouvoir d'influencer la matière et les esprits en arrachant ses secret à la moindre particule. Notons aussi que nos bases de numération, de géométrie, de musicologie et de lexicologie relèvent toutes d'un même processus datant de l'Antiquité et mis à jour au fil des âges et des découvertes. Un processus "arithmantique" auquel l'Homme doit sa maîtrise des arts libéraux et les "progrès" qui en découlent.
OR c'est en découvrant la matière, c'est-à-dire les interactions entre la matière qu'il observe et lui-même, que l'Homme a réalisé l’extraordinairement, intrigante, fascinante, érotique (....) magie du langage.
Revenons aux origines de la magie en quelques mots : la nature est impitoyable et n'épargne pas cette créature sans poils, sans griffe et sans crocs qu'est l'Homme... Le groupe a un besoin vital et un ou plusieurs de ses éléments trouvent l'idée, le concept, et fabriquent l'outil nécessaire (esprit d'ingénierie)... Que font-ils ? Ils transmettent, par tradition orale et gestuelle dans un premier temps, jusqu'à l'épineuse question du secret : pour des raisons légitimes de sécurité, mais aussi pour la conservation du pouvoir. Un premier rapport à la connaissance de la matière et au pouvoir de l'objet manufacturé qui deviendra notre perdition.
Cette érotique expérience s'est produite il y a quelques millions d'années, lorsqu' Homo erectus a façonné ses premiers outils et ses armes auxiliaires, prenant conscience de son pouvoir sur la matière inerte et vivante.
L'Homme agit sur l'objet et l'objet agit sur l'Homme.
Toutes ces notions reliant les propriétés des nombres, aux formes, aux sons, aux objets, aux forces et aux évènements ont nourri nos capacités de conceptualisation et inspiré nos traditions orales jusqu'à la grande révolution de l'écriture et l’avènement de grands royaume et empires. Elles ont donc inspiré toutes nos langues véhiculaires dans l'antiquité, ainsi que les langues modernes dont les architectes "alchimistes" ont bénéficié de la Renaissance des arts, des sciences et des industries. La maîtrise des arts libéraux et la science du logos constituaient et constituent encore un domaine réservé aux élites et protégé par le secret. Un secret légitime lorsqu'il protégeait les initiés des percussions orchestrée par les intérêts politiques du temple, du palais et de l'empire ! Mais aussi un secret de polichinelle que le progrès livrerait immanquablement aux mains du pouvoir, comme en témoigne la conversion de Rome au dieu unique et mathématiquement révolutionnaire des juifs, ou encore la grande rivalité entre l’Église et la Franc maçonnerie pour revendiquer le pouvoir de l'architecture et du langage. Un pouvoir sans précédent, ancré dans le réel et bien plus efficace que l'utilisation de la force et la manipulation des croyances pour obtenir le consentement des masses. C'est ainsi, dans les mains de la politique, que la culture du secret d'initié devint synonyme d'abus de pouvoir ; ainsi qu'elle scella le gap intellectuel séparant les têtes pensantes des mains bonnes à tout. Et cela jusqu'à nos jours, en se passant de glaive, de fouet, de mythes (...) et même de Dieu. Le secret persiste entre "mages et moldus", néanmoins ce qui est gravé dans l'architecture d'une langue le reste ! Ce qui explique pourquoi toute ces notions découvertes par nos ancêtres et posant d'indéniables problèmes de politique et de tabou religieux, se dissimulent dans notre langage courant et dans la structure même des mots, ces particules complexes dont chaque élément (lettre ou syllabe) est à la fois un signifié et un signifiant - disons un ingrédient du plat - qui en révèle toute la subtilité. Ces mots que nous prononçons tout les jours sans les connaître, dont la plupart possède pourtant un sens codé propre à résoudre une équation "existentielle" d'une valeur inestimable. Un sens codé qui se révèle dans leurs étymologies, dans leur composition lexicale ou dans les valeurs symboliques (association des valeurs sémantiques, phonique, graphique et numérique) de chacune de leurs lettres. Les équations composées par ces codes forment le Grand Œuvre des alchimistes du logos : il est entre autre un lien qui libère, un merveilleux paradoxe donc, un remède à la démagogie et une matière à penser susceptible de rompre le "sortilège tacite" qui enchaîne les têtes pensantes et les mains bonnes à tous à leur servitude réciproque. Une valeur patrimoniale pour l'humanité, qui restituerait au monde tout l'OR que nous lui avons dérobé. Entendons là toutes la richesse que l'Homme a dégradées et détruites au nom du pouvoir, au nom de l'argent et d'un vulgaire fantasme de toute puissance.
Remontons aux prémices du Néolithique, lorsque notre versant Abel (le berger nomade, éleveur et chasseur cueilleur ne connaissant pas la guerre) n'avait pas encore subi le coup de grâce de notre versant Caïn (le sédentaire matérialiste, endurci par le labour intensif, brute et conflictuel). En ces temps, l'Humanité avait senti la terre se réchauffer après l'ère glacière et vécu les catastrophes terrestres et atmosphériques qui en avaient découlé. La sédentarisation était l'assurance de la conservation du feu, de la transmission, ou du relais des voyageurs. En outre, le sucre et la graisse produits par les cultures intensives étaient un gage de baby boom. Une croissance démographique de nature consumériste, qui réclame un système d'exploitation du nombre, de la matière et de la bête. L'Homme s’apprêtait à découvrir la fin de l'innocence, le goût du fruit défendu, l'aliénation par le travail et les obligation de résultat de l'empire, ainsi que l'expérience de la cohabitation entre voisins soumis à une organisation titanesque et à une croissance matérielle effaçant les besoins communs au profit des intérêts particuliers. Une croissance consumériste qui signe l'entropie des systèmes d'exploitation humain et la complexification des relations intérieures et extérieures ; croissance néanmoins indissociable du développement de l'architecture des langues véhiculaires, pour le meilleur et pour le pire.
La fin de l'innocence donc, pour insister sur la métaphore biblique. La fin de l'âge de pierre, succédé par l'âge de bronze qui annonçait toutes les promesses des relations entre l'Homme et le métal. Des temps reculés dont nous avons conservé peu de traces, des temps précédant l'écriture et la civilisation telles qu'on les conçoit de nos jours. La fin d'un âge d'or et d'errance intelligente où les hommes assumaient l'absence érotique de langues véhiculaires ou de bases numériques et lexicologiques communes. C’est ici, durant les cinq millénaires suivant l'ère glacière que la tradition orale s'est développée, au rythme d'une reconquête des espaces et d'une révolution en matière d'agriculture, d'architecture et de moyen de communication. Notons que les sources communes de la tradition orale originelle enseignait l’odyssée de l'Homme dont la mémoire a été balayée par la fureur des dieux de la terre et du ciel : par la glace, les déluges, le feu et les nuées ardentes. Un leitmotiv apocalyptique que l'on retrouve dans la majorité des textes fondamentaux propres à chaque culture.
Résumons cette fable écologique :
Fragile et dépourvu de ces attributs spécifiques qui caractérisent le monde animal, l'Homme a néanmoins été doté d'un cerveau et d'une morphologie lui procurant un pouvoir sans pareil sur le monde qui l'entoure et le constitue. Ce phénomène d'adaptation l'affuble néanmoins du complexe de la connaissance, notamment celle de sa propre finitude, et lui pose le problème d'un libre arbitre relatif dont il devra assumer la responsabilité dans un univers déterminé. En outre, cet apprenti magicien contrarié et avide de pouvoir est capable de conceptualiser et d'instrumentaliser les anneaux mathématiques dont ses intérêts particuliers néglige la portée sémantiques. En jargon philologique, on dit que son orgueil cherche à forger un maître anneau pour s'affranchir des forces qui le contraignent et pour asseoir son autorité sur ses semblables, de façon globale. Une vieille métaphore ressortie d'outre tombe par l'auteur du "Seigneur des anneaux". Dupés par ses talents, par ses penchants et par ses propres expériences sur l'échiquier du pouvoir, Sapiens entretient le complexe de Babel depuis de nombreux millénaires, usant de ces précieux anneaux pour faire plier les forces de la nature. Une nature dont la détermination et les variables aléatoires nous rappellent pourtant une chose : plus grande est la tour, plus grand est le mensonge, plus durable est la persistance dans l'erreur, plus dure sera la chute.
Comment se sont structurés les dialectes des chasseurs cueilleurs nomades que nous étions durant un âge de pierre qui remonte à plus de deux millions d'années ? Grâce à ce que nous pourrions qualifier d'ancêtre du jeu de rébus, une méthode pratique impliquant le langage gestuel, l'art pictural et le façonnage d'objet usuels ou symboliques. Et par l'assemblage des "plus petites unités morphologiques de langage que nous avons en commun malgré nos différentes affinités et expériences culturelles (ce qui deviendra les voyelles et les consonnes en tant que particules non composées, propres aux principaux alphabets véhiculaires). Chaque peuple possède ses affinités de morphisme et ses analogies sémantiques propres, tout comme chaque langue possède ses propres architectures de phonèmes et de phones composant les mots, néanmoins notre activité cérébrale et notre morphologie humaines constituent une base d'émission, de réception et de conceptualisation commune. En outre, ces assemblages phonétiques ne se sont pas construits au hasard, sans le moindre protocole, sans la moindre association cohérente entre nos différentes cultures et sans d'importants efforts de conceptualisation. Cette odyssée commencée par Homo erectus sera perpétuée par Neandertal, des ancêtres dont l'architecture linguistique demeurait hypothétiquement proche de celle d'un enfant de 3 ans privé d'un exemple de langage structuré, puis par Sapiens. Sapiens doué de sociabilité, de techniques agraire et architecturale transmissibles... Sapiens dont la colonisation des terres du Nord, de l'Est et de l'Ouest débute il y a environ 75 000 ans, avant que la fonte des glaces et son lot de catastrophes ne redistribue les données existentielles et la carte des territoires. Gardons à l'esprit que nous avons peu de preuves du langage utilisé par l'Homme à l'âge de Pierre, peu de preuves à propos de cette odyssée du langage commencé par Homo erectus et par Néandertal, qui était un nomade et un chasseur à la fois bien plus endurant et plus innocent que Sapiens.
Néanmoins, Sapiens maîtrise l'outil manufacturé, l'art et les ingrédients ! Ce qui lui permettra d’imprégner la roche des traces de son langage pictural, et de nous laisser des poteries ornées témoignant de sa maîtrise de l'abstrait. C'est ici qu'il convient de se poser la question de la véritable origine de l'écriture, qui a nécessairement influencé nos architectures orales. Mais Sapiens a-t-il vraiment tout inventé ? Nos ancêtres préhistoriques ne sont pas réputés pour avoir inventé l'écriture, à tort ! Concernant Sapiens, les spécialistes affirment que complexité de l'élaboration d'un biface va de pair avec sa maîtrise du langage, mais que dire de la gestion du feu, de la cuisine, de l’équarrissage, de la manufacture du vêtement, de l'identification du gibier, de la distinction entre les plantes (...) ? Que dire de la lumière et des ténèbres, que dire de l'or et de l'argent qui illumine le ciel, que dire du rouge qui dans l'obscurité coule dans nos veines ? Que dire de l'expression de nos sentiments communs, que nos ancêtres ont eu le temps de développer durant des centaines de milliers d'années ?
Associer une vocalisation à un sentiment, à un concept ou à un objet, ainsi que faire apparaître un signe sur un support pour exprimer quelque chose à un semblable qui comme vous débute dans la découverte du langage, c'est un art qui date de la Préhistoire et précède vraisemblablement le langage oral structuré. Et pour confidence intime, j'oserais dire que les œuvres architecturales (phoniques ou inscrites sur la matière) réalisées par de simples animaux en période nuptiale par exemple, prouvent que cet art se confond avec les premiers pas sociaux de la vie. Le langage est une histoire de particules en mouvement, des particules simples ou complexes, exprimant des natures et des formes en s'adaptant à des forces, des positions et des vitesses relatives. Tout comme la logique, le langage est un domaine non figurable, non temporel, dont les premières manifestations dans ce que l'on nomme le réel, le matériel, semblent l'effet thermodynamique et la brillance des particules. A ce stade, le langage annonce la partie, une architecture en mouvement, que nous appelons notre univers. La vie doit donc son existence au langage qui demeure à sa disposition, y compris pour expliquer cet univers à l'observateur humain qui en est le fruit le plus sophistiqué, en quête de solution. Le langage est à la fois la partie et dans la partie, il est un principe messager à la fois immobile et circulant en tout sens et toutes directions. Un messager qui aide à percevoir, à ressentir, à comprendre, à figurer, à exprimer, de toutes les façons possibles et imaginables. Un Thot ou un Hermes in/dissoci/able du domaine originel des dieux tels qu'ils soient, un Saint-Esprit indissociable de ce qui crée et de ce qui est créé. Aucune idée particulière de Di/eu ou du di/able n'y changeront quoi que ce soit.
La naissance des langues véhiculaires transmises par l'écriture correspond à la rencontre entre les premières cultures sédentaires développées au rang d'Empires. Une révolution linguistique qui bouleversera les croyances et les pouvoirs politiques, dans laquelle les populations nomades et frontalières jouèrent un rôle capital malgré leurs délicates "position et itinérance" entre Léviathans. Les commerçants itinérants, les exilés, les premiers aventuriers découvreurs ou les pèlerins demeuraient témoins de la diversité "chaotique" du langage, autant que de ses bases communes héritées d'un temps perdu. Témoins, rapporteurs et ingénieurs en matière de moyens d'échange et d’évolution des langues.
Partie 2 : La magie et les apprentis sorciers
Pictogrammes, idéogrammes et phonogrammes :
Les premières formes d’écriture furent à la fois imagées (pictogrammes) et abstraites (idéogrammes). L'idéogramme représente des idées, des sentiments, ou des concepts non perceptibles à l’œil, mais il permet aussi de graphier les objets communément perçus lorsque l'art du dessin n'est pas acquis. Ce dernier peut donc représenter des objets différent en les réduisant schématiquement en fonction de leur analogie, cette méthode de simplification pouvant faire apparaître des géométries possédant des valeurs symboliques ou en rapport avec les nombres. De ce point de vue, l'idéogramme précède le pictogramme et offre un plus large champ sémantique, bien qu'il soit moins précis pour définir précisément un objet ou sujet particulier. Les deux méthodes sont donc complémentaires et souvent réunis dans les écritures primitives, notamment dans le système cunéiforme dont certains logogrammes représentaient des valeur phonétiques ou numériques. Les idéogrammes relèvent du domaine du symbolisme et les Hommes ont rapidement compris leur pouvoir, y compris celui de représenter les nombres et leurs multiples propriétés. Un chiffre est un idéogramme très particulier, il est un objet abstrait qui exprime des attributs arithmétiques, géométriques (formes significatives des nombres figurés) et sémantiques (notions d'unité, de dualité, de "triangularité/relativité/trinité", de quadrature, de paire et d'impaire, de portion, d'architecture, de quantité...) Remarquons particulièrement les notions de vide et d'infini (possibilité du nombre 0), de micro et de macro, de milieux et de points relatifs, de rapport entre le point et le cercle ou la sphère (...) qui constitueront un complexe religieux et un défi sémantique jusqu'à ce que l'admission du zéro en tant que nombre à part entière deviennent un enjeux politique sur l'échiquier des nations.
Les pictogrammes et plus encore les idéogrammes, ont enrichi les champs lexicaux propres à chaque culture et permis d'établir les premiers langages communs nécessaires aux échanges. Il s'agit là de l'influence de la conceptualisation et de l'écriture sur l'oralité. Mais nous n'avons pas encore abordé le phénomène inverse: l'écriture phonétique et l'élaboration des phonogrammes dont la construction savante, particule par particule, engendrera le langage alphabétique. Il s'agit là de l'influence de l'oralité sur l'écriture. Gardons à l'esprit que le langage répond au principe d'immanence. L'écriture phonétique à laquelle nous devons nos premiers alphabets a commencé par la combinaison de certains pictogrammes et idéogrammes communs représentant des notions ou des objets communs, ainsi que par l'introduction de phonogrammes utilisés pour représenter des mots étrangers pour lesquels il n'existait aucun pictogramme. Ces signes possédant une valeur sémantique commune se dotèrent d'une valeur numérique dans un contexte de multiplication des échanges et des administrations comptables. Utilitaire en premier lieu, la valeur numérique des lettres alphabétiques représentait néanmoins certaines concordances avec les valeurs sémantique attribué aux chiffres et à leur graphie, notamment dans la culture hébraïque. Nous avons là un enjeux spirituel, religieux et alchimique, ainsi qu'un outil cryptologique sans précédent, qui taraude encore l'esprit des analyste des Saintes écritures. Une quête alchimique donc, qui a nettement influencé la construction des langues véhiculaire modernes.
Malgré la différence de nos différents alphabets primitifs, cette révolution balbutiante est un premier pas, un grand pas, vers un accord de langage, vers la possibilité d'une idée commune de la vérité par la grâce de la pensée réductionniste. Mais l'idée d'une langue dominante, universelle et susceptible d'unir les autorités religieuses, politiques et scientifiques dans une même quête, est aussi le gage d'un pouvoir global qui chez l'Homme tend à s'imposer et non à se partager.
Notons aussi que les phonèmes (constructions phonétiques) ont une nature morphologique, sensorielle, analogique et analytique qui n'attendait que l'architecture des langues arithmantiques pour se structurer et permettre à l'Humanité de construire des langues véhiculaires en fonction des données fournies par le progrès des sciences et de la pensée. Il faudra attendre la Renaissance, pour que les alchimistes du langage établissent un rapport direct entre l'architecture des langues dont ils avaient la responsabilité et les lois dites universelles qui caractérisent le langage de la matière et de notre univers. Des sons et des silences, de l'ordre et du chaos, de la musique et de la cacophonie, des vides, des particules et des atomes... Le divin logos examiné par le prisme des sciences.
Les sons caractéristiques des consonnes et des voyelles composant les principaux alphabet dérivés du modèle phénicien indiquent un profond travail de réduction phonologique et tendent à réunir l'ensemble des sons décomposés produits par notre morphologie. Les combinaisons entre plusieurs voyelles ou consonnes complètent cette base. La valeur sémantique des phonèmes "primitif" que nous produisions avant de maîtriser le langage est lié à l’émotion ressentie lors de la réaction à un stimulus, un ressenti traduit/retranscrit par la vocalisation. Citons la douleur, la peur, la faim, la colère, le plaisir, le doute (...) et l'envie de communiquer en associant un objet ou un phénomène à une des nombreuses combinaison phoniques que nous pouvons fournir. En d'autres termes, la vocalisation exprime nos réponses aux interactions des milieux qui nous entourent et nous constituent. Les premiers cris des nouveaux-nés (voyelles), ainsi que leurs premières expériences buccales engendrant des consonnes, sont les premières manifestation de langage communes à tous les Hommes. Notons que c'est en observant nos enfants, dans leurs premiers jours, mois et années de développement, que l'on peut reconstituer l'acquisition du langage en distinguant nos capacité d'imitation des bruits environnant, nos capacité de reproduction du champ lexical des adultes, notre sensibilité musicologique et nos aptitudes à identifier la cohérence.
L’invention des lettres alphabétiques par la réforme des signes et la déconstruction des architectures phonétiques a commencé par le besoin d’un moyen de communication commun entre l’administration égyptienne et les régions avec lesquelles cette dernière pratiquait des échanges. Cette découverte ne vient pas d’Égypte, mais des immigrés issus notamment de l’Asie centrale, qui y vivaient en tant qu’esclaves, carriers ou modèles d'intégration. Rappelons-nous ici des nomades, itinérants et frontaliers cités plus haut en tant que principaux témoins, acteurs et créateurs de l’unité et de la diversité des langages. Un fois encore, on remarque que les notions de langage et de voyage à double sens sont intimement liées ! L’odyssée de l’écriture est un pèlerinage sous le signe de l’immanence. L'archéologie du langage a montré de nombreux exemples de l'influence des hiéroglyphes égyptiens sur l'alphabet protosinaïtique dont découlent la plupart de ceux qu'on utilise de nos jours. Ainsi l'ancêtre de notre A est fort probablement une recomposition du hiéroglyphe représentant une tête de bœuf associée au son A en tant que plus petite unité phonétique débutant le nom de l'animal dans les langues sémitiques (le bœuf y était communément désigné par des variantes d'une base phonétique composée des sons correspondant à nos lettres A, L et F (ou PH). Le hiéroglyphe PER (maison en égyptien) a quant à lui servi de base pour écrire le son [b] parce que c'est le premier son dans le mots sémitique correspondant : bayt (maison). Cependant, ce système d’association de pictogrammes égyptiens à des unités phonétiques communes utilisées par les populations périphériques pour désigner le même concept ou le même objet, n'est qu'une première approche "pratique" de l'écriture alphabétique. Un premier pas dans la construction de nos alphabets dérivés de cette base protosinaïtique. Concernant la culture latine, la graphie de la lettre A évoluera par association d'autres valeurs sémantiques, plus significative que l'image du bœuf : le point de vue et la perspective par exemple, le sommet d'un triangle dont la rotation des deux côtés adjacents égaux forme un cercle - Nous avons là l'idée d'un point de départ Alpha, d'une origine, d'un centre et d'une perspective directionnelle pouvant être élargi au cercle ou à la sphère dont le rayon tend vers un hypothétique Oméga. Il est donc fort probable que la lettre est conservé son premier rang dans l'alphabet pour cette raison. Remarquons aussi la lettre B dont la graphie a évolué pour représenter deux demis cercles, le B conservera son second rang et sa valeur sémantique indique "bi", ce qui est double, lié au 2. On retrouve le sens maison dans les mots bâtisse ou bâtiment de la langue française. La tâche d'un alchimiste du langage, lorsqu'il entre dans le domaine de la déconstruction jusqu'à entrevoir les particules et leur nature relative, est d'être aussi cohérent que dame nature lorsqu'il définit ces micro éléments de langage qui demeureront le sable de nos architectures linguistiques véhiculaires - sachant que les mots et les langues elles-mêmes sont voués à se développer, à se transformer et à se dissoudre, pour renaître sous d'autres formes. La cohérence, c'est la déconstruction et la reconstruction protocolaire d'éléments manifestes devant répondre à des règles strictes qui tiennent d'un accord entre les arts mathématiques, géométriques, musicologiques et sémantiques. Une tâche digne du stricte génie scientifique dirait-on de nos jours ! Une tâche religieuse donc, pour l'époque.
Dans son évolution, l’écriture représente donc un challenge de réduction et d’unification cohérente de son versant arbitraire (conventions pratiques et variables culturelles) et de son versant logique (universelle). "Génial ! Il existe donc un pont intelligible entre l'instinctif et le rationnel, entre la sémantique pure et le réductionnisme, entre la science et la religion !" A-t-on envie de s’écrier… Certes. Mais gardons à l'esprit que l’odyssée du langage s’est nettement assombrie avec le choc des civilisations et les copyrights de la connaissance, revendiqués par les Hommes de pouvoir en conflit permanent. En outre, les autorités religieuses, politiques et scientifiques nourrissent toujours des conflits d'intérêt qui n'invitent pas leurs représentants à ce rencontrer sur cette passerelle commune, malgré la nécessité et l'urgence d'un tel rendez-vous.
Il convient ici d’évoquer une histoire oubliée par l’Histoire, un conte oublié par les comptes, une histoire de chiffres :
Le premier alphabet protosinaïtique (ou protocananéen) fut donc la conséquence des échanges et des nécessités dialectiques entre les peuples de la Mésopotamie et l'Égypte, il y a plus de 3 000 ans. La Basse Mésopotamie étant la région qui a vu naître la civilisation sumérienne à laquelle nous devons l'invention de l'écriture phonétique systémique. La région verra aussi le développement du royaume Akkadien dont les derniers souffles emportés par le vent ont véhiculé une énigme "spatio-temporelle" au point 0 reprise par les stoïciens et bien plus tard, par le bilan Nietzschéen : "Dieu Est Mort". Les méandres de l’Histoire conflictuelle entre les juifs et l’Égypte trouvent ici leur fondation noueuse. Un anneau abstrait autour duquel s’affronte un empire de NOMS assimilant la notion du divin à un ensemble de divinités (les chiffres et les nombres encore privés de zéro) et une entité sociale errante en construction, composée d'Hommes partageant la vision commune d’un Dieu unique, mais inatteignable (le zéro sémantique, qui attendra la percée des mathématiques indiennes pour devenir un chiffre à part entière, distingué du néant). Or, l’alphabet linéaire protocananéen a vu le jour aux alentours du règne d’Akhenaton, réputé pour être le pharaon excentrique qui tenta d’imposer à l'Égypte un dieu unique au-dessus de tous les autres. Globalement, depuis dix siècles avant notre ère (une période de bouleversements qui marque le passage de l’âge de bronze à l’âge du fer), l’Égypte entretenait des relations tumultueuses avec cette entité voisine qui donna naissance aux royaumes d’Israël et de Juda. Cette époque est marquée par une redistribution des forces et la naissance de nouveaux pôles d’échange. Notre alphabet protosinaïtique sera porté vers l’Ouest, par le Nord et par le Sud, grâce au rayonnement de l’entreprise phénicienne. Durant un millénaire, l'hypothèse d'un zéro, ainsi que la cohérence des systèmes de numération, de lexicologie et de mesure du temps et de l'espace, furent prétexte à des conflits sans nom, jusqu'à un événement marquant : la conversion de l'empire romain au monothéisme. Au septième siècle de notre ère, les chiffres arabes universellement admis de nos jours ont rayonné d’Est en Ouest, du Nord et au Sud, laissant aux Homme le choix d'utiliser à leur guise la découverte du zéro et les progrès "à double tranchant" qu'il offre aux détenteurs des anneaux de pouvoir. J'utilise volontairement le lexique du philologue JRR Tolkien car Le tutoriel de désamorçage de la bombe des guerres de religion est ici. Sachant que ces dernières sont le principale moteur de la financiarisation de l’échec dialectique des Hommes et des nations : non seulement parce que promettre la paix et la puissance en préparant la guerre demeure encore un gage de consentement des foules, mais aussi parce que l'aliénation de l'ego humain, le penchant pour la compétition de son amour propre et ses intérêts particuliers pour le bonheur illusoire procuré par l'ensemble des péchés capitaux, sont dorénavant le fondement pervers de notre économie globale. Il s'agit là d'un moteur à explosion cyclique dont le carburant est la haine, la peur et l'ignorance sous-tendues par le choc des civilisations. Un CERCLE vicieux donc : la guerre de l'anneau unique et l'entropie du "complexe" conflictuel des partis pris - un "complexe" de Babel en révolution permanente, mue par l'illusion du progrès matériel et son économie sonnante et trébuchante. Le tout agrémenté par une volonté de contrôle exclusif de la Matrice, qui ne sera jamais l'objet de pouvoir que l'orgueil imagine.
Le zéro sémantique fut une révolution pour l'esprit humain, un dieu unique qui sera pourtant prétexte à l'élaboration de visions particulières au nom desquelles l'Homme se fit une gloire de combattre son prochain, assuré de la supériorité morale et militaire que lui procure ce concept unificateur révolutionnaire.
Le zéro mathématique en est une autre, qui nous laissa le choix de nous unir autour d'une vérité commune naissante, ou au contraire d'intensifier les conflits en dotant nos armées respectives des avancés technologiques, linguistiques et conceptuelles qu'il procure. Un anneau (corps algébrique) unique de par sa propre nature dont découlent notre maîtrise des autres corps ou ensembles, fussent-ils arithmétiques, géométriques, sémantiques... Ou vivants. Dans cette discipline qu'est l'art des mathématiques, qui n'attendait que lui pour pouvoir se distinguer des autres, il a déverrouillé tant de portes que nous lui devons la majorité de nos progrès en matière de sciences dures ou molles. Sans le zéro, la question du vide et du plein ferait encore néant, sans zéro, pas de cohérence entre les bases de numération, pas de sommation, pas de nombres relatifs, pas de symétrie entre les infinis micro et macro entourant l'unité (1)... Sans le zéro les couloirs du Moyen Age seraient encore inaccessibles, ainsi que les jardins de la renaissance et le grand carrefour embouteillé des temps modernes.
En avant la zizique :
Les voyelles et les consonnes font intervenir notre souffle, nos dents, notre palais, notre langue, notre gorge et notre glotte (...), un chez d’œuvre morphologique en matière d'articulation phonologique de la pensée. Cette "musique" que nous produisons est un des nombreux "miracles de la vie", un miracle logique, témoignant du langage entre l’extérieur et l’intérieur. Voyelles et consonnes sont des "liens qui libèrent" la pensée conceptuelle de l'Homme et lui offrent d'innombrables combinaisons pour retranscrire ses données émotionnelles, analytiques, analogiques ou numériques (...). Émotions, conceptualisations et conscientisations dont la transmission cohérente nécessite la construction de phonèmes (assemblage d'unités signifiantes composées de consonnes et de voyelles) et la conception de règles architecturales, dont la nature morphologique et le développement propre à chaque système, relèvent de l’immanence du langage de l’existence : L'Homme n'invente pas les particules du langage, il les fait briller en les exprimant selon ses affinités. Et il cherche à en partager le fruit, déchiré entre l'amour et la guerre, l'érotisme faisant foi de l'innocence naturelle du conflit qui devra être départagé par le libre arbitre. Ensemble, les particules et le vide qui les sépare ont une portée infinie : les champs lexicaux du ressenti. La morphologie humaine est à la base de son art phonétique, tous les Hommes ont en commun les sons qu'ils peuvent émettre et la capacité de les agencer avec cohérence dans des systèmes complexes à la mesure de la complexité du monde qui les entoure et les constitue. En revanche la façon de les agencer relève de l'art et de la méthode propres à chaque culture. Il n’y a donc jamais eu de langue "adamique", commune à tous les êtres humains. Comme nous l'avons vu, faute de pouvoir revivre notre état préhistorique, il nous faut observer nos enfants pour entendre nos vocalisations primaires communes et pour comprendre notre rapport au langage, indissociable de notre rapport à l'objet et à nos semblables. En revanche en matière d'universalisme et de langage commun, la décomposition du langage en phonèmes réduits au maximum (voyelles et consonnes alphabétiques), permet une communication (correspondance logique) entre toutes les langues parlées et promet une facilité des échanges aux empires partageant les mêmes alphabets. Les voyelles et consonnes sont les plus petites unités sonores, des particules que nous avons appréhendées en découvrant l'écriture phonétique, cette diablerie qui a révolutionné un domaine antiquement réservé aux pictogrammes ou aux idéogrammes.
La parole influence l'écrit et vice-versa. Quel sens donner à ces particules que sont les lettres ? Elles sont émises depuis l'Age de l'homme et seront dorénavant écrites. D'un point de vue phonétique, elle sont intimes et pourtant nous ne les concevons plus en tant qu'unités sémantiques élémentaires, nous les assemblons sans y réfléchir pour associer les mots (acquis) qui seuls font sens à nos oreilles. En outre, la lettre fait partie d'un ensemble fini, une base comprenant le sous ensemble des consonnes et celui des voyelles. Elle ont donc des propriétés et leur valeur ordinale et cardinale dans les mots et les alphabets ne sont pas le fruit du hasard. Nous sommes de nouveau confrontés ici aux dilemmes de l'alchimiste, qui tente d'unifier les voies du sacré et de l'intelligible, les voies de l'art et de la politique. Durant plus de deux millénaires, les valeurs sémantiques, arithmétiques, géométriques et musicologiques attribuées aux lettres ont fait l'objet d'un scrupuleux travail de maîtres et d'initiés, auxquels nous devons nos langues véhiculaires modernes. Un travail devant entrer en cohérence avec les prismes du sensible, du perceptible et de l'intelligible avec lesquels nous appréhendons notre univers.
La valeur sémantique d’une lettre se construit par la convergence de nombreux facteurs logiques, expérimentaux et sensoriels. Le facteur sensoriel primordial, nous l’avons mentionné plus haut : au temps de la Préhistoire, ces plus petites unités sonores non assemblées étaient la retranscription primaire d’une expérience directe avec l’environnement et nos semblables : les divers cris, grognements et autres sons instinctifs, mais aussi l’imitation des sons de la nature : "FFF…" pour le vent dans les feuilles et "VVV…" lorsqu’il souffle le long d’un mat creux, D, P ou T lors de l’impact d’une goutte sur une surface, ou encore le "MIAOU" d’un chat ou le R insupportable du ronfleur etc. Nous pouvons apparenter ce phénomène linguistique primaire à la notion de système analogique dû une fois encore à l’immanence : action de l’environnement et réaction innée de l’être, notamment en fonction de sa programmation génétique (sensible aux informations qu'il reçoit de l'environnement). Ces réactions, comme nous venons de le voir ont à la fois un socle commun, des manifestations variables et d'innombrables combinaisons lorsqu'elles se complexifient. C’est la magie génétique du langage ! Nous retrouvons ici le thème de la correspondance du milieu intérieur et extérieur, une question qui ne relevait plus que du spirituel, jusqu'à ce que l'épigénétique ne vienne contrarier les intérêts individualistes de notre scepticisme. Notons que le principal facteur sensoriel intervenant dans la construction de l'architecture phonétique (assemblage des lettres et des mots) demeure la musicalité. Les facteurs concernant l'expérience et la logique, disons la rationalisation, tiennent de l'évolution des sciences, des croyances, de la politique et des arts.
Intéressons-nous à l'analogie en tant que lien direct et continu entre la réaction d'un système et l'action d'un autre : les phénomènes analogiques sont classifiables et mesurables (dilatation du mercure en fonction de la température, élongation d’un certain type de ressort en fonction du poids qu’on y accroche…). Concernant la réaction vocale humaine, nous avons affaire à des gammes de notes, à des fréquences, à des modulations du souffle et de la vibration de la glotte (...), toutes ces modulations sont relatives à la nature et à l'intensité d'un stimulus. Mais le processus action/réaction n'est pas réellement direct et continu. Lorsque nous imitons un son de la nature par exemple, que se passe-t-il entre le message reçu par l'oreille et le son produit par la bouche ? Notre cerveau serait-t-il capable de numériser les informations à l'insu de notre conscience ? OR (un terme apprécié par les alchimistes), comment cette question aurait-elle pu échapper aux alchimistes du langage pour lesquels mathématique et sémantique ne faisaient religieusement qu'un ? Avec leurs moyens et leurs compétences dans de multiples disciplines, nos premiers linguistes et philologues pratiquaient donc l’analogie et la numérologie en observant des protocoles rigoureux pour préserver une cohérence dans la valeur numérique et graphique des lettres. C’est ainsi que les principales langues véhiculaires (orales et écrites) se sont structurées et ont évolué, chaque lettre étant liée à un nombre (et à un chiffre par sommation de la valeur des termes consécutifs du nombre), correspondant au rang qu'elle occupe dans un alphabet. Ceci explique les nombreuses correspondances entre les valeurs sémantiques, numériques et graphiques affectées aux lettres de nos alphabets, malgré nos différences culturelles et linguistiques. Gardons à l'esprit que nos langues modernes dérivées du latin, viennent d'un même moule mésopotamien à partir duquel se sont développées le phénicien, le cyrillique, l’hébreu, ou le grec. Comme nous l’avons vu, ce travail est le fruit d’un long et scrupuleux travail, les nuances et les illogismes ayant été corrigés ou expliqués par les linguistes, avec le temps. Dans le domaine des mises à jour par le prisme des sciences, c'est à la renaissance que nos alchimistes ont bouleversé l'ordre établi en rendant le sacré intelligible. Une révolution qui leur a valu la persécution. Comble du blasphème, certains de ces génies affirmaient déjà qu'il existait de nombreuses correspondances arithmétiques, géométriques et sémantiques entre notre latin et des langues "hérétiques" très éloignées. Comme le sanskrit par exemple, cette langue parlée par des indigènes qui ont renvoyé à l'Ouest les armées d'un Alexandre, et à laquelle nous avons le regret de devoir la preuve mathématique du zéro, unique, inatteignable et impénétrable. Le retour de cette diablerie d'énigme juive, véhiculée jusqu'à notre grandeur, par les arabes ! "Que les indiens nous fichent la paix, ici on ne s’écorche pas pour un ensemble vide, on se bat légitimement au nom de Dieu."
"Nous avons perdu notre latin" plaisante-t-on de nos jours, sans savoir de quoi nous parlons !
Héritières des langues dites mortes, les langues modernes de la civilisation judéo-chrétienne occidentale découlent de toute cette logique, de toute cette odyssée dont la lumière craint plus l’oubli et l’intelligence artificielle que les tempêtes et les orages traversés par l’enfant des eaux en quête de l’arche d’alliance.
Des signatures classiques, relatives et quantiques :
Entre autres avantages, la création des lettres (voyelles et consonnes) permet de décomposer les syllabes en caractères réduits au maximum. Une précision non négligeable comparé aux phonogrammes composés (shu, si, xi, yo, le, mu, ki, chi... Pour citer quelques exemples phonétiques). Un mot a un sens, une syllabe a un sens, une lettre a un sens, aux linguistes de faire correspondre le tout ! Une nouvelle source pour la composition et la partition des idées, et une aubaine pour l’évolution du langages véhiculaires, dont les acteurs conquérants doivent s’adapter à la complexification de leurs propres expériences. L’Homme a besoin de nouveaux mots pour définir les objets, les principes, les lois, les phénomènes qu’il découvre. Nous voilà de nouveau devant la nécessité des idéogrammes avec l’option "idéophonique" à redécouvrir (architecture réductionniste selon des bases alphabétiques). L’évolution (créativité) et l’involution (mort et renaissance) du langage sont comme deux vases communicants. J’insiste encore sur le fait que chaque langue véhiculaire s’est dotée d’une logique, prenant en considération la valeur sémantique d’une lettre, d’une syllabe, d’un mot. Un mot a une signification, parfois double, triple ou quadruple, suivant le contexte dans lequel il est employé. Les syllabes et les lettres qui le composent renvoient elles aussi à un complexe sémantique. Les philologues, avec le temps, se sont aperçus que les valeurs sémantiques de certains mots entretenaient un rapport étroit avec la décomposition de la suite des lettres et des syllabes qui les compose. Dans le même temps, ils ont utilisé ce phénomène pour créer de nouveaux mots proportionnellement au besoin de nommer de nouveaux concepts. Ils se sont aussi servi de cet art pour coder des idées qu’il n’était pas prudent de revendiquer à leur époque.
Exemple : "persévérer" et "persévérance" viennent étymologiquement du latin "persevero" qui signifie persister, rester ferme, demeurer. "Per" signifie à travers et "sever" renvoie à la notion d’austérité, de dureté, de rigueur (severitas et severus). Dans sa connotation négative (l'obstination), "persevero" s’oppose à "percenseo" (faire le dénombrement complet) ou à "persentio" (ressentir profondément). La persévérance (dans un domaine particulier) pouvant s'opposer au juste milieu requis pour conserver l'équilibre et la possibilité de la plénitude. Observons de plus près le radical de cette construction latine associant la notion "au travers /percer /traverser" à celle de rigueur et de sérieux. Severitas et severus sont composés de la racine "ver" indiquant la vérité. Pour l'Homme, la vérité est un concept abstrait qui se situe à la confluence d'une croyance en un système issu de la conscience et représentatif de la réalité perceptible et intelligible, et de l'emploi du langage correspondant à cette vérité à laquelle s'applique le symbolisme phonétique. La construction étymologique de ces mots pose une question existentielle : pourquoi s’obstine-t-on ? Pourquoi et comment cherche-t-on à atteindre, à percer, à voir au travers ? Et au travers de quoi ? Quel est l'axe de pensée faisant référence en tant que base fiable et constante (axiome), quel est le sens de notre persistance physique et morale (ver/vers/versus) ? "Severus" commence par un S qui symbolisait la dualité, le serpent et la courbe sinusoïdale (mouvement progressif non angulaire, circulant entre deux bornes ou points d'appui opposés sans discontinuité). La lettre hébraïque Samesh signifie appui ou colonne (segment soutenant deux opposés par deux points d'appui). Apparait ensuite EVE… Un hasard ? La construction EVE latine est une variante du nom hébraïque, avec deux E (lettre hébraïque hé) et non un H (lettre hébraïque het) initial et un E final. Cette construction reprend la racine trilitère HWH dont provient le "tétragramme de Dieu" YHWH. Le V latin renvoie à la fonction grammaticale et symbolique de la lettre hébraïque "vav", qui représente le féminin et la beauté (Eve). Cette lettre nous permet de jouer avec la notion d’ambiguïté et d’ambivalence et possède en hébreu la faculté d’inverser le temps ou encore le genre, des objets signifiés (principe génétique, matriciel du féminin). Par le prisme scientifique, HWH indique l'unité relative de la matrice (W) en un point 0 relatif, sur une droite reliant les deux "barrières" opposées des infinis liés à la relativité (plus et moins et donc haut et bas, infiniment petit et infiniment grand...). Reprenons le préfixe PER : d'un point de vue analogique, percer, pénétrer, connaître "en allant et en venant" et regarder au-delà (...) sont des notions reliées au principe masculin. Le masculin défini, Adam nomme. Per ne seront pas par hasard les initiales de père et l'ancêtre phénicien et hébraïque de la lettre P signifiait bouche. Son équivalent grec est Pi, qui indique le rapport entre le périmètre de la courbe fermée parfaite (orifice) et son rayon phallique (linéaire). Pi est "érotiquement" lié à Phi, le nombre d’or (proportion esthétique impliquée dans de nombreux phénomènes mathématiques, notamment en géométrie). Quelles que soient les cultures, Phi a longtemps été considéré comme une valeur importante et toute particulière, un juste milieu discret par exemple ou une divine proportion. Il intervient dans le symbole du yin-yang ou dans la graphie commune des chiffres 6 et 9. Passons à la lettre E : Avant de devenir le symbole de l'énergie, l'ancêtre de notre E indiquait les louanges, la porte à clairevoie. Et enfin, la lettre R indiquait la tête (centre des décisions).
Résumons : S’obstiner, vouloir percer, passer au travers, aller au-delà des barrières et des frontières… Au travers de quoi ? De quelles barrières ? Quelle est la nature de l'obstacle ? Quel est le rapport du point au cercle par le rayon ? Pourquoi cherche-t-on à connaître, à percer et à voir au-delà ? Les épines de la rose protègent sa beauté dirait un alchimiste. Une quête non assumée par l’homme, ainsi que par la femme dont on a fait un Homme comme les autres semble-t-il. En bons alchimistes, les linguistes français ont suivi la piste étymologique ici décrite, ainsi lorsqu’on entend persévère, on entend aussi "perce Eve erre". L'errance ayant une connotation positive (accord et équilibre entre yin et yang, entre mouvement et inertie, entre nomadisme et sédentarisation) ou négative (désaccord, déséquilibre, désharmonie entre les mêmes caractères). "La vérité si je mens" oserais-je dire pour faire de l'humour juif. Mais restons sérieux, persistons dans la sévérité : "Qui sans son consentement cherchera à percer Eve (la matrice de la vie), errera autour du sanctuaire". Remarquons que dans persévère, on entend aussi "père sévère". L'alchimie est au langage, ce que la quantique est à la physique. La persévérance a donc un sens apocalyptique relatif à l'ironie du pouvoir. Un avertissement dissimulé dans la construction alchimique du terme, que le bilan de notre Histoire et surtout notre actualité, ne contredisent pas ! Un avertissement lancé à une société patriarcale contrariée dont le lissage des genres se solde non par un accord entre "le yin et le yang", mais par une réification globale de l'être, en l'absence de mise en solution du domaine de la lutte (conflit/dualisme dialectique). Une entité politique sociale fondée sur le rapport dominé/dominant (ou maître/esclave) et l’instrumentalisation de l’être et de l’avoir.
Ce jeu sémantique est-il le fruit du hasard ? Une des particularités de l’immanence du langage ? Un effet volontaire de nos linguistes alchimistes ? Tout cela à la fois semble-t-il.
Le champ sémantique ouvert par l’écriture en voyelles et consonnes nous ramène donc à la notion d’immanence : communément, l’homme pense avoir inventé le langage alors qu’il ne fait que le découvrir peu à peu. Au passage, nous venons de comprendre que le langage des oiseaux n’est pas qu’un surprenant hasard, mais une manifestation logique de l’évolution des langues, un présent (cadeau) du jeu de l’existence et un système de codage pour des linguistes vivant aux temps des persécutions, aux temps de l’obscurantisme et de l’inquisition radicale.
Pourquoi crypter ? Pour de bonnes raisons : se protéger ou coder des vérités politiquement incorrectes à l'attention de ceux qui le méritent ou le mériteront. Ou pour de mauvaises intentions qu'il est inutile de décrire. Ce qui nous amène à penser que la cryptographie et la cryptologie forment un pouvoir au service de la vérité ou des avocats du diable, veillant aux obligations de résultat des intérêts particuliers. L'histoire du bitcoin illustre bien ces propos lorsque l'on comprend que son créateur anonyme pensait œuvrer pour la défense de la liberté, alors qu'il amorçait une guerre (sans nom) entre l'autorité des états et les entités alternatives dématérialisées (multipliées par la révolution informatique), séduisant autant l'espoir d'une majorité d'êtres humains à bout de souffle, que les intérêts des prédateurs et autres criminels faisant le jeu du pouvoir. L'illusion du code fort séduit autant les gendarmes que les voleurs, sa version "rebelle" associée à la cryptomonnaie compose une nouvelle chimère compétitive qui repose néanmoins sur le même vent que le système classique qui en était l'accusateur avant d'en devenir actionnaire.
La compréhension des lois et des sentiments qui nous unissent, tout comme le Graal de ce roi perverti qu’est l’homme, sont cachés sous notre nez dans la trame de nos propres langages !
Épilogue :
Le langage, pour revenir à l’introduction de cet article, désigne à la fois le tissu d’informations qui relie les principes, les lois, les interactions et l’observateur (le langage de la nature au sens large), et la façon dont l’observateur exprime ce dont il témoigne. Nous venons aussi de méditer sur le fait que l’analyse des règles, de la structure et des éléments, propres aux différentes langues humaines, nous ramenait à la logique et aux principes qui régissent les interactions dans l’univers que nous connaissons. Immanence.
Le langage est la signature de la double nature de la substance, telle qu’un Spinoza la concevait.
Partout et nulle part, il est au cœur du fonctionnement de l’univers et de la vie, il est aussi ce qui les révèle à l’observateur et ce qui permet à ce dernier de partager son expérience et de répondre aux questions pratiques et existentielles. Nous venons ici d’appréhender ses formes orales et écrites complexes, mais n’oublions pas qu’un simple regard, un simple geste est aussi une manifestation du langage.
Partie 23/4
La banalisation de la sorcellerie, le secret d'initié et le désenchantement du monde :
L’Homme jouit d’une liberté relative dont le caractère conditionnel ne lui plait guère ; enclin à l’hypocrisie il se fait un véritable complexe de la question du libre arbitre. L’Homme, au sens large, est à la fois le maître et l’esclave, la personne (ce qui retentit, se manifeste) aux mille et un visages. Une victime des autres et un bourreau de lui-même, un bourreau pour les autres, victime de lui-même. Accablé par les forces qui se déchaînent sur lui en conséquence de ses faiblesses et de ses expériences avec le pouvoir, il n’a pas fait le choix d’un royaume ou d’un empire au sein desquels la déconstruction du langage et les révélations qui en découlent se partagent en toute clarté et s’enseignent publiquement. Bien au contraire, le langage est vite devenu un instrument tout-puissant de manipulation et un outil communément dénaturé ou falsifié. Un outil de conquête par la politique, avant la réconciliation des théories et des résultats par les autorités réductionnistes (sciences) et religieuses. Le bilan est un des moteurs du choc des civilisations.
Depuis l’Antiquité l’hermétisme qui recouvre l’art du langage n’empêche pas l’éducation du peuple, bien au contraire : l’accès à l’éducation et aux livres (papyrus pour l’époque romaine) permet un conditionnement et une hiérarchisation des tâches très efficaces. Le piège est ici : la somme des individus, la masse, forme une entité irrationnelle, qui orientée et cultivée devient "impériale" et inexorablement vouée à la croissance et à la conquête. Conditionné, chaque individu de la masse abandonne son libre arbitre et ignore la nature et la substance du langage avec lequel on l'éduque, qu’il considère et utilise comme un outil prêt à consommer. Nous avons ici la signature d’une expérience de masse titanesque et auto-alimentée, échappant au contrôle de l’expérimentateur (L'Homme au sens large). Les moyens et les intérêts particuliers sacrifiant les ressources et les besoins essentiels, la simplicité et la complexité deviennent deux têtes chimériques qui se dévorent l’une l’autre. Pour exemple, malgré le taux d’alphabétisation sous la Pax Romana, la dissolution progressive de l’Empire et la pénurie de papyrus ont entrainé la raréfaction des livres et l’augmentation de leur coût, plongeant ainsi l’Europe dans un Moyen-âge marqué par l’illettrisme. Tandis que les arabes récupéraient le secret du papier (Chine) et du zéro (Inde), l’Empire romain occidental sombrait peu à peu dans l’obscurantisme, devant ainsi assumer des conflits intérieurs sans nom et des invasions dites barbares.
Le langage et l’écriture ont donc un versant public et un versant hermétique (que se réservent les "élites"). Présents de révélation, ils sont aussi instruments de manipulation. Et par extension : ils sont la base d’un système d’exploitation dont les éléments domestiqués, éduqués ou non, n’utilisent et ne répondent qu’aux formes les plus basiques, les plus fonctionnelles, pour discuter de leurs droits et accomplir leurs devoirs. La substantifique moelle de l’art du langage étant réservée à des apprentis sorciers qui se considèrent hypocritement comme des élites légitimement élues. Depuis l’Antiquité, l’avidité humaine a fait de l’écriture le vecteur principal du consumérisme. En premier lieu la culture et le sacrifice intensifs du végétal et de l’animal (papier et encre), puis la forge qui permettra l’imprimerie. Un de ces feux composant le laboratoire exclusif dans lequel l’Orgueil des nations fabrique ses anneaux de pouvoir.
Cependant tout bien ou outil mal acquis et mal utilisé ne profite jamais éternellement. Et tout pouvoir subtil arraché à la nature par de mauvaises intentions finit toujours par échapper à son utilisateur. À mesure que l’essence de la vie lui échappe, l’Orgueil s’évertue à chercher l’anneau unique qu’il a perdu lors de sa première grande bataille contre lui-même (fin de l’Antiquité). Mais ce qu’il a perdu en réalité est à la fois bien moins et bien plus qu’un instrument de puissance et de contrôle de l’Être… L’intelligence artificielle de l’Empire cherche donc sa pièce maîtresse pour se doter d’un NOM ? Cet anneau est la malédiction posée sur le langage, révéler enfin ce dernier revient donc à détruire l'objet de pouvoir cor/rompu que l'on en fait, en le plongeant dans le feu dont il est issu.
Si irrévocable soit la loi de l’entropie et quelle que soit la complexité croissante des problématiques que nous engendrons, les réduire et les résoudre (mettre en solution) nous ramènera à la simplicité de toutes les merveilles que nous avons oubliées. Doit-on attendre la mort ou la fin des temps que nous connaissons pour réconcilier les têtes qui se dévorent l’une l’autre ?
Un simple cri, un simple sourire, un simple regard, disent tout !
Je vous donne rendez-vous pour un prochain article, consacré à ces secrets bien gardés qui se trament derrière l’Histoire des langues véhiculaires et de l’écriture.
La troisième partie de ce petit manifeste électronique pour mages et moldus égarés. Un conte de Noël !
C.A.B
OUPS.... Désolé, quelques temps après la rédaction de cet article et du suivant, Arte semble avoir interdit l'accès gratuit à ses documentaires sur les origines de l'écriture,. Je vous conseille néanmoins de vous les procurer et de les mettre en équation avec nombre de mes papiers.